En l’espèce, la cession d’un fonds de commerce contenait une clause interdisant au cessionnaire de se rétablir dans un rayon de cinq kilomètres autour du lieu d’exploitation du fonds cédé.
Or, soupçonnant une violation de ladite clause, le cédant a mandaté un enquêteur privé aux fins de vérifier la situation.
Les investigations du détective ont permis de déterminer que le cessionnaire participait activement à l’exploitation d’un fonds de commerce similaire, propriété de son épouse.
L’essentiel des preuves a été collecté au moyen de surveillances et filatures qui ont eu lieu par intermittence et sur plusieurs mois, entre janvier 2016 et mai 2017.
L’enquêteur a ainsi pu constater que :
- Le cessionnaire et son épouse arrivaient ensemble au commerce et s’occupaient ensemble de son ouverture ;
- Il en était de même pour la fermeture de l’établissement en fin de la journée ;
- L’intéressé occupait une place importante puisqu’il est noté que le commerce est ouvert en retard lors de son absence et que les clients questionnent les employés en demandant « où est le patron » ;
- Le sujet a été aperçu en train de conseiller et encaisser des clients, etc.
En s’appuyant sur ce rapport d’enquête qui était illustré par un certain nombre de photographies, le cédant a alors assigné en violation de la clause de non-rétablissement et en indemnisation de son préjudice.
Le défendeur a tenté en vain de faire écarter le rapport d’enquête, en arguant que celui-ci constituait une preuve déloyale et une violation de sa vie privée.
Proportionnalité et Loyauté de la Preuve
La Cour d’appel de Nancy l’a débouté le 12 juin 2019 en relevant que le rapport d’enquête n’est pas disproportionné car l’enquêteur a utilisé « une méthode de travail non intrusive » et a « parfaitement respecté la vie privée » du cessionnaire et de sa compagne dès lors que les surveillances ont été « limitées dans le temps et dans l’espace ».
De plus, la Cour d’appel n’a pas non plus écarté le rapport pour déloyauté, estimant bien au contraire que le rapport est « particulièrement éclairant quant au rôle réel tenu par M….. dans la gestion du fonds de commerce de sa compagne ».
Notons enfin que la Cour d’appel a condamné le cessionnaire à verser à son adversaire une somme à titre de remboursement des frais de détective privé.
La Cour de cassation vient confirmer l’arrêt d’appel en énonçant que « les conditions de la surveillance privée de l’établissement concurrent n’avaient pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée de M…… et que la production de ces pièces était nécessaire à la préservation des droits du cédant ».
La solution n’est pas nouvelle et ne fait que confirmer qu’en application de l’article 9 du code de procédure civile le rapport d’enquête privée est admis selon les mêmes modalités et sous les mêmes réserves que tout autre mode de preuve, que ce rapport ne peut être rejeté au seul motif que le détective était payé et que sa valeur probante est appréciée souverainement par les juges du fond.